Bonjour, ma mie ! Excusez ma hardiesse.
Pourriez-vous bien m'enseigner un chemin,
Là où je pourrai boire un coup à mon aise,
Malgré que ce n'est pas tout mon dessein ?
C'est pour vous, belle, ici que je m'adresse :
Pourrais-je avoir un moment d'entretien ?
Allez-vo-z-é là-bas, auprès deul tèche :
Vo-zy troverez à boire et à mougny.
Vô v'nev' ici pou m'faire de bel' couréches ;
Vô v'nev' ici, c'est pou vo moquer d'mi.
Allez-vô-z-é ! J'n'ai qu'fair'd'vô bel' mounières :
J'ai m'chin dri mi, qui pora bé agni.
Tout mon dessein, c'est de vous dir', la belle,
Que vos beaux yeux ont su charmer mon cœur.
Recevez-moi pour votre amant fidèle ;
Vous goûterez aussi de mes faveurs.
De mon ardeur j'ai su braver le zèle,
Je suis vainqueur : donnez-moi votre cœur.
J'ai un galant qu'esto vraimé à l'guerre.
V'là l'paix fouaite, j'espère bin qui r'vinré.
I'm'racont'ré ses poënes et ses misères,
I'm'racont'ré de quan i's'né nallé.
Quand i'r'vinré, nô nô d'vis'rons d'affoëres.
À noss dicauss', j'espère binque ça s'fré.
Peut-on savoir quel est son nom, la belle,
Ou tout au moins le nom du régiment ?
J'ai traversé la Saxe et la Bohême :
Je connais l'nom de plusieurs bataillons.
Assurément, dans l'armée de France,
Je connais l'nom de plusieurs bataillons.
I'esto dragon dedans l'régiment d'Lige.
V'là chix ans qu'il estôt engagi.
J'n'sau vroment el nom del compagnie,
J'n'sau vroment el nom del régiment.
C'ess-t-un blondin d'en bel'phisiounoumille.
Sass' nom, c'est Pire ; sa surnom, c'est Maurtin.
De votre amant, j'en ai des nouvelles.
Regardez-moi : je suis fait comme lui.
Tu m'as promis de m'y être fidèle,
Au coin d'un bois : ne t'en souviens-tu pas ?
J'ai des ducats en quantité, la belle,
Dès aujourd'hui, je t'en fais un présent.
A vô-z-oï, vô f'ri quausi bin rire ;
A vô-z-oï, vô li r'semblez quausi ;
Vô-z-avez là ene barlafe al visaige,
E'qu'm' ben-aimé estot ainsi maurqué.
C'est-ce pou m'tromper qu'vous m'faites un foëx message ;
C'est-ce pou m'tromper qu'vous voulez m'attraper.
J'ai un billet de votre caractère,
Qui est signé, la bell', de votre main.
Malgré les maux que l'on souffre à la guerre,
Je l'ai toujours porté soigneusement.
Au bout du temps, la paix vint à se faire :
J'ai obtenu mon congé absolu.
Jean-Pire Maurtin, vinve ici que j'te bauge !
C'est-ce-t-un plaugi que de t'réveve ici.
Em' père et mère i'seran bin binauge,
Quan i'saran que tu estot r'venu.
Pou nous r'galer, j'frans n'vante au laure.
Après l'souper, j'porans bin nô d'viser
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Allez-vous-en auprès de l'église :
Vous y trouverez à boire et à manger.
Vous venez ici pour me faire de belles caresses ;
Vous venez ici, c'est pour vous moquer de moi.
Allez-vous-en, je n'ai que faire de vos belles manières.
J'ai mon chien derrière moi, qui pourrait bien aboyer.
J'ai un galant qui est parti pour la guerre.
Voilà la paix faite, j'espère bien qu'il reviendra.
Il me racontera ses peines et ses misères ;
Il me racontera tout depuis qu'il s'en est allé
Quand il reviendra, nous nous parlerons d'affaires.
À notre fête, j'espère bien que cela se fera.
Il était dragon dans Le régiment de Liège.
Voilà déjà dix ans qu'il s'est engagé.
Je ne sais vraiment le nom de sa compagnie ;
Je ne sais vraiment le nom du régiment.
C'est un blondin d'une belle physionomie.
Son nom, c'est Pierre; son surnom, c'est Martin.
À vous entendre, vous me feriez quasi rire.
À vous entendre, vous lui ressemblez presque.
Vous avez là une balafre au visage,
Et mon bien-aimé était ainsi marqué.
C'est pour me tromper que vous me faites ua faux message ;
C'est pour me tromper que vous voulez m'attraper.
Jean-Pierre Martin, viens ici que je t'embrasse !
C'est un plaisir que de te revoir ici.
Mon père et ma mère seront bien contents,
Quand ils sauront que tu es revenu.
Pour nous régaler, nous ferons une omelette au lard.
Après le souper, nous pourrons bien parler.
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