Coupe d'une chanson
La coupe d'une chanson est une description de la structure des couplets. Son efficacité à regrouper ou discriminer les chants de tradition orale en a fait un outil majeur des systèmes de catalogage. Le nombre de vers par couplet, le nombre de pieds pour chacun de ces vers et le genre de la rime sont les trois caractères étudiés auxquels sont parfois ajoutées les assonances.
Comment ça marche
La coupe d'une chanson est définie par trois éléments, parfois quatre : le nombre de vers par couplet, le nombre de pieds pour chacun de ces vers et le genre de la rime, parfois par les assonances.
- Le nombre de vers par couplet,
- Le nombre de pieds par vers qui correspond au nombre de syllabes prononcées dans chaque vers,
- Le genre de la rime correspond au type de finale du vers. Si la rime finit par un e, on parle de rime féminine, sinon d'une rime masculine.
- L'assonance est parfois ajoutée, c'est-à-dire le son de la rime masculine.
Par exemple, la chanson-type En revenant des noces ou À la claire fontaine démarre dans une de ses versions par les vers suivants :
- À la claire fontaine, 6 syllabes prononcées donc 6 pieds, une fin en e donc féminine, on décrit le vers en 6F
- M'en allant promener, 6 syllabes prononcées donc 6 pieds, une fin en é donc masculine, on décrit le vers en 6M
- À la claire fontaine, 6 syllabes prononcées donc 6 pieds, une fin en e donc féminine, on décrit le vers en 6F
La coupe de À la claire fontaine est donc 6F6M. Cette coupe ne tient pas compte des éléments en dehors du narratif de la chanson, notamment les refrains. Ainsi les La belle ma dondaine dans la version Au bord de la fontaine ne sont pas pris en compte, ni les Fendez le bois, chauffez le four, dormez ma belle, il n'est point jour dans la version Fendez le bois, chauffez le four....
La coupe pour (aider à) retrouver le type d'une chanson
Comme à un type correspond une coupe (en général...), on peut utiliser la coupe d'une version pour en retrouver le type.
Dans les pages Wikitrad, certaines chansons traditionnelles n'ont pas encore été associées à un type catalogue, par exemple Conseils à la mariée. Son thème, le mariage, nous fait plutôt chercher dans le deuxième tome du Répertoire des chansons françaises de tradition orale de Patrice Coirault et notamment dans le rubrique 52. Les noces.
Les couplets sont composés de 4 vers de 12 pieds (alexandrins) et les rimes sont en –age, –age, –eux et –an. La coupe serait donc 12F12F12M12M.
Dans les 19 types de la rubrique 52. Les noces, aucun n'a de coupe en douze pieds. D'ailleurs, si courants que puissent être les alexandrins dans la poésie, Patrice Coirault n'en a recensés qu'assez peu. Il a souvent préféré rendre lisibles les hémistiches, en 6 pieds, plutôt que tout le vers.
En découpant chacun des vers, notre chanson de la mariée aurait donc une coupe en 6M6F6F6F6M6M6M6M. En recherchant cette coupe on trouve effectivement le type 5210 Nous sommes venus ce soir qui existe aussi avec une coupe 6M6F6F6F6M6M. Le résumé mentionné permet alors de confirmer que notre chanson est bien une version de ce type. Il correspond chez Laforte au type II, P-20 La chanson de la mariée.
Le répertoire Coirault liste alors de nombreuses références chez les folkloristes pour trouver des versions de ce type. Parmi ceux souvent cités dans Wikitrad, Jérôme Bujeaud, Louis Lambert, Claudius Servettaz, François Simon, Abel Soreau, Julien Tiersot, Émile Barbillat & Louis Laurian Touraine ou Achille Millien en ont tous publié des versions.
La coupe pour (aider à) mettre une mélodie sur des paroles
Il se trouve dans les catalogues des chansons référencées sans partition. Parfois ces chants nous sont parvenus par les collectages plus récents, enregistrés mais certains chants ressemblent à un poème sans indication de mélodie. Par exemple, le type 07109 La reine de Suède et le corsaire français n'a qu'une occurrence. Il a été rapporté par Jean Fleury dans Littérature orale de la Basse-Normandie, Hague et Val-de-Saire en 1883 (Voir sur archive.org). Dans son ouvrage, Jean Fleury rapporte onze mélodies mais pas celle de La reine de Suède.
La coupe de La reine de Suède est 6F6M6F6M, quatre vers de 6 pieds, tantôt féminin, tantôt masculin. L'index des coupes dans le répertoire Coirault nous indique les types qui suivent cette coupe. Dans le tome I, on trouve :
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Dans le tome II, on trouve :
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Dans le tome III, on trouve :
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Toutes les versions des types précédents, partageant la même coupe, sont susceptibles d'échanger leur mélodie. Pour réoraliser La reine de Suède, on peut chercher dans la liste des versions à notre goût.
Ainsi, voici une réoralisation enregistrée aux éliminatoires du Kan ar Bobl à la mission bretonne à Paris en mars 2022 qui reprend la mélodie chantée par Roland Brou pour le type 05303 Germaine sur l'album Chant et Veuze en Presqu'île guérandaise par Dastum en 1994. (Un extrait de l'original sur nozbreizh.fr et la réoralisation chez meskach.free.fr)
Une autre réoralisation reprenant la mélodie interprétée par le groupe québecois Garolou toujours pour le type 05303 Germaine sur l'album Garolou en 1978 (L'original sur Youtube et la réoralisation chez meskach.free.fr).
En conclusion, ces deux interprétations montrent que la coupe d'une chanson permet aisément d'emprunter une mélodie pour redonner de la vie aux chansons de papier, aux chants du tiroir.
N'hésitez pas à nous faire part de vos expériences :)